Dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, certaines règles particulières, issues du droit local, s’appliquent en matière de droit du travail. Parmi elles, figure le maintien de salaire en cas d’absence ; une spécificité importante qui peut surprendre les entreprises non familières de cette réglementation. Voici ce qu’il faut savoir pour bien appréhender ce dispositif et éviter les erreurs.
Les articles L. 1226-23 et L. 1226-24 du Code du travail, issus d’anciennes réglementations locales applicables uniquement en Alsace-Moselle, prévoient que lorsqu’un salarié est absent pour un motif personnel indépendant de sa volonté (et pas uniquement en cas de maladie), il peut bénéficier du maintien de sa rémunération habituelle.
Ce maintien intervient sans délai de carence, sous déduction des indemnités éventuelles versées par la Sécurité sociale ou par un régime de prévoyance. Autrement dit, l’employeur complète les sommes versées au salarié, pour atteindre le montant de son salaire normal.
Mais attention : l’application du régime local est encadrée par plusieurs conditions et sa mise en œuvre n’est pas automatique.
Contrairement aux idées reçues, le dispositif ne s’applique pas uniquement en cas de maladie. Il couvre toute absence pour un motif personnel et indépendant de la volonté du salarié :
- maladie ou accident ;
- sinistre au domicile ;
- panne de véhicule imprévue ;
- événement familial soudain…
Ce qui compte, c’est que le salarié ne soit pas responsable de son absence.
Ce régime spécifique s’applique :
- aux salariés qui travaillent dans les départements du Bas-Rhin, Haut-Rhin ou Moselle ;
- ou à ceux qui relèvent d’un établissement implanté dans ces départements, même s’ils exercent ailleurs (ex. : salariés itinérants).
Peu importe le lieu du siège social de l’entreprise, c’est le lieu de travail effectif ou de rattachement qui compte.
La jurisprudence a même étendu ce droit lorsque l’absence du salarié est liée à un événement concernant son conjoint ou ses enfants.
Une distinction importante est prévue par les textes entre deux catégories de salariés : ceux qualifiés de commis commerciaux et les autres.
Selon la jurisprudence, est considéré comme commis commercial le salarié qui remplit cumulativement les conditions suivantes :
- exercer une fonction commerciale en relation avec la clientèle, excluant ainsi les salariés exerçant des fonctions techniques ou manuelles ;
- avoir un degré d’autonomie et de responsabilité limité dans l’exercice de ses fonctions ;
- être employé dans une entreprise commerciale (par sa forme ou son activité).
Pour les commis commerciaux :
- Le maintien est limité à 6 semaines maximum.
Pour les autres salariés :
- Le texte évoque une durée « relativement sans importance », notion qui s’apprécie au cas par cas par le juge.
En pratique, la durée dépend notamment de l’ancienneté du salarié. Plus celle-ci est importante, plus le maintien peut s’étendre.
Par exemple :
- Un salarié en poste depuis quelques mois pourrait bénéficier du maintien pendant une courte durée.
- Un salarié présent depuis 10 ans pourra en bénéficier plus longuement.
L’impact de l’absence du salarié sur le bon fonctionnement de l’entreprise peut être également pris en compte pour apprécier la durée de l’absence.
Toutefois, si l’absence est jugée trop longue au regard de l’ancienneté, le droit local ne s’appliquera pas. Il faudra, dans ce cas, appliquer les règles légales ou conventionnelles.
Lorsque le droit local est plus favorable que la convention collective (par exemple, absence de condition d’ancienneté ou de délai de carence), il doit s’appliquer en priorité. Ainsi, par exemple, une absence pour garder un enfant malade peut ouvrir droit au maintien de salaire en Alsace-Moselle, même si la disposition de droit commun ne le prévoit pas.
Par ailleurs, ce dispositif peut avoir un impact direct sur les charges salariales.
En effet, dans certains cas, l’employeur doit verser un complément de salaire alors même que le salarié perçoit déjà des indemnités journalières.
Il est donc essentiel :
- d’identifier rapidement si le salarié entre dans le champ du droit local ;
- de vérifier la situation du salarié concerné (ancienneté, fonction, cause de l’absence) ;
- et de calculer précisément les éventuels compléments à verser lors de chaque absence.
Il apparait également indispensable de :
- former les personnes chargées de la gestion du personnel aux spécificités Alsace-Moselle ;
- et d’adapter les logiciels de paie pour garantir le respect automatique de ce régime.
En cas d’erreur, le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes et obtenir le paiement des sommes dues ; la jurisprudence étant constante sur la primauté du droit local plus favorable.
De même, il est interdit d’introduire dans le contrat de travail, le règlement intérieur ou un accord collectif des conditions moins favorables que celles prévues par le droit local (ancienneté, carence, limitation du nombre d’absences indemnisées…).
Le maintien de salaire en cas d’absence pour cause indépendante de la volonté du salarié en Alsace-Moselle est un régime protecteur, sans équivalent sur le reste du territoire. Il impose aux employeurs une vigilance accrue dans l’application des textes locaux, l’information des salariés et l’adaptation des pratiques internes.
En cas de doute sur des situations complexes, n’hésitez pas à consulter nos équipes spécialisées. Veillez également à sensibiliser vos équipes RH à ces spécificités, pour éviter tout contentieux.
Claire Chevalier
Associé
claire.chevalier@oratio-avocats.com
Hassana Nmohaouzine
Juriste
hassana.nmohaouzine@oratio-avocats.com