Loi de finances pour 2023 : qu’est-ce qui change pour votre entreprise ?

Parmi les mesures de la loi de finances pour 2023 les plus évoquées dans la presse, il est question du taux réduit d’impôt sur les sociétés (IS). Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Raphaël SABOURIN : Comme vous le savez certainement, le taux normal d’impôt sur les sociétés (IS) est fixé à 25 %.

Toutefois, les sociétés qui réalisent un chiffre d’affaires hors taxe qui n’excède pas 10 M€ au cours de l’exercice, dont le capital est entièrement libéré, et qui sont détenues à 75 % au moins par une ou plusieurs personnes physiques (ou par une autre structure elle-même détenue à 75 % au moins par une ou plusieurs personnes physiques) peuvent, dans une certaine mesure, bénéficier d’un taux réduit d’IS à 15%.

Jusqu’à présent, ce taux réduit s’appliquait dans la limite de 38 120 € de bénéfice imposable par période de 12 mois.

L’article 37 de la loi de finances pour 2023 aménage quelque peu ce dispositif puisqu’il prévoit que pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2022, ce taux d’IS réduit à 15 % s’applique dans la limite de 42 500 € de bénéfice imposable par période de 12 mois.

Qu’en est-il des avantages fiscaux dont peuvent bénéficier les entreprises ? Quelles sont les principales nouveautés qui vous viennent à l’esprit ?

Raphaël SABOURIN : Pour y voir plus clair, je vous propose de raisonner avantage fiscal par avantage fiscal.

En tout premier lieu, faisons le point sur le crédit d’impôt pour la formation des dirigeants. Cet avantage fiscal permet aux dirigeants de PME de se former eux-mêmes, afin de s’adapter aux évolutions de modes de gestion et des techniques.

En règle générale, il est égal au produit du nombre d’heures passées par le dirigeant en formation (dans la limite de 40 heures de formation par année civile) par le taux horaire du salaire minimum de croissance.

Pour les heures de formation effectuées à compter du 1^er janvier 2022, les microentreprises (soit celles qui occupent moins de 10 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total de bilan n’excède pas 2 M€) peuvent bénéficier d'un montant de crédit d'impôt égal au double du produit indiqué ci-dessus. Cet aménagement est toutefois subordonné au respect de la règlementation européenne relative aux aides de minimis.

La loi de finances pour 2023 vient prolonger cet avantage fiscal, qui s’appliquera donc aux heures de formation effectuées jusqu’au 31 décembre 2024.

Passons ensuite au crédit d’impôt pour investissements en Corse (CIIC). Très brièvement, il s’agit d’un crédit d'impôt pour les petites et moyennes entreprises relevant d'un régime réel d'imposition qui réalisent certains investissements, autres que de remplacement, en Corse pour les besoins d'une activité (et qui sont financés sans subvention publique pour 25% au moins de leur montant).

Rappelons que les investissements éligibles doivent être exploités pour les besoins d’une activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole, à l’exception de certaines activités, au rang desquelles on retrouve la gestion et la location de meublés de tourisme situés en Corse.

À ce sujet, une précision d’importance est apportée pour les exploitants « professionnels » de ce type de logements. Il est désormais prévu, en effet, que ne sont pas concernés par cette exclusion les établissements de tourisme gérés par un exploitant unique qui comportent des bâtiments d’habitation individuels ou collectifs dotés d’un minimum d’équipements et de services communs et qui regroupent, en un ensemble homogène, des locaux à usage collectif et des locaux d’habitation meublés, loués à une clientèle touristique (qui n’y élit pas domicile).

À ce titre, sous réserve des conditions requises, le crédit d’impôt peut donc s’appliquer, quel que soit le nombre de lits proposés à la location.

Dernière précision : cet avantage est, lui aussi, prolongé. Il s’appliquera donc jusqu’au 31 décembre 2027.

Enfin, arrêtons-nous quelques instants sur le statut de « jeunes entreprises innovantes » (JEI). Dès lors qu’une entreprise remplit toutes les conditions requises pour bénéficier de ce statut (employer moins de 250 personnes, réaliser un chiffre d’affaires inférieur à 50 M€ au cours de l’exercice ou avoir un total de bilan inférieur à 43 M€, être créée depuis moins de 11 ans, etc.), elle peut bénéficier de certains avantages fiscaux :

• une exonération d’impôt sur les bénéfices : cette exonération porte sur 100 % des bénéfices réalisés au titre du 1^er exercice bénéficiaire et 50 % des bénéfices réalisés au titre de l’exercice bénéficiaire suivant ;
• une exonération de taxe foncière pendant 7 ans, sur délibération des collectivités locales ;
• une exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE) pendant 7 ans.

La loi de finances pour 2023 prolonge ces différents avantage fiscaux jusqu’au 31 décembre 2025.

En outre, elle aménage la condition liée à l’âge des JEI. Pour les entreprises créées à compter du 1^er janvier 2023, et concernant l’exonération d’impôt sur bénéfices, le critère d’âge des JEI est abaissé à 8 ans (au lieu de 11 ans).

J’ai entendu dire que le régime de l’assujetti unique en matière de TVA, aussi appelé « groupe TVA » faisait l’objet d’aménagements mineurs. Qu’en est-il ?

Raphaël SABOURIN: Le régime du « groupe TVA » est pleinement effectif depuis le 1^er janvier 2023. Il permet aux personnes assujetties à la TVA qui ont en France le siège de leur activité économique et qui sont étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et organisationnel de demander à constituer un assujetti unique en matière de TVA.

En pratique, les sociétés qui sont membres du groupe doivent désigner un représentant. Ce dernier est chargé d’accomplir toutes les obligations déclaratives et de paiement en matière de TVA.

Il doit, entre autres, transmettre à l’administration, en janvier de chaque année suivant celle de la création du groupe, la liste des membres de l’assujetti unique. Initialement fixée au 31 janvier, cette déclaration devra finalement être faite le 10 janvier au plus tard.

Notez que les premières déclarations seront à déposer en janvier 2024 : pour les groupes constitués à compter du 1^er janvier 2023, le périmètre a dû être communiqué à l’administration le 31 décembre 2022 au plus tard.

Des précisions sont également apportées concernant le contrôle de ce type de groupe. Lorsque l’administration fiscale souhaite procéder à des redressements, elle doit adresser à l’entité contrôlée une proposition de rectification mentionnant le montant des droits, taxes et pénalités dus résultant des opérations de contrôle.

Il était prévu que pour les sociétés membres d'un assujetti unique, cette information porte sur les montants de TVA (et de pénalités correspondantes, le cas échéant) dont elles seraient redevables en l'absence d'appartenance à cet assujetti unique, sauf pour les livraisons et prestations à un autre membre de cet assujetti unique. Au vu de la difficulté évidente pour mettre en œuvre un tel dispositif d’information et au regard du risque important d’erreur, la loi de finances pour 2023 supprime purement et simplement cette précision.

De plus, rappelons que lorsqu’une vérification ou un examen de comptabilité est achevé, pour une période déterminée, l’administration ne peut procéder à une nouvelle vérification ou un nouvel examen de ces mêmes écritures, pour les mêmes impôts ou taxes et pour la même période. Comme souvent en matière fiscale, il existe de nombreuses exceptions à cette règle, parmi lesquelles on retrouve les cas de vérification ou d’examen de la comptabilité du représentant d’un assujetti unique.

S’ajoutent désormais à cette liste d’exceptions les cas de vérification ou d’examen de la comptabilité d’un membre de l’assujetti unique.

Que pouvez-vous nous dire concernant la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Est-elle effective dès à présent ?

Raphaël SABOURIN  : La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) est, avec la cotisation foncière des entreprises (CFE), l’une des deux composantes de la contribution économique territoriale (CET).

La loi de finances pour 2023 vient effectivement supprimer la CVAE, pour améliorer la compétitivité des entreprises française dit-on, mais de manière progressive.

Schématiquement, pour la CVAE due au titre de 2023, le taux d’imposition est divisé par 2. Le dégrèvement de 500 € qui s’applique lorsque le chiffre d’affaires de l’entreprise est inférieur à 2 M€ est ramené à 250 € et le montant de la CVAE minimale est fixé à 63 €, et non plus à 125 €.

Dans le même temps, le taux de la taxe pour frais de chambres de commerce et d’industrie est porté à 6,92 % pour la cotisation due au titre de 2023.

À compter de 2024, les entreprises redevables de la CET ne payeront plus que la cotisation foncière des entreprises, la CVAE sera définitivement supprimée.

Cette suppression a également un impact sur le dispositif de plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée.

Rappelons, en effet, que les entreprises redevables de la CET bénéficient d’un dégrèvement lorsque la somme de leur CFE et de leur CVAE est supérieure à 2 % de leur valeur ajoutée.

Le dégrèvement est calculé selon la formule suivante : CFE + CVAE – 2% de la valeur ajoutée produite.

Pour la CET due au titre de 2023, le taux du plafonnement est abaissé à 1,625 % (au lieu de 2 %).

À compter de 2024, et au regard de la suppression de la CVAE, il ne sera plus question de « plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée », mais de « plafonnement de la CFE en fonction de la valeur ajoutée ». En conséquence, pour la CFE due au titre de 2024 et des années suivantes, le taux du plafonnement est abaissé à 1,25 % (au lieu de 1, 625 %).

 Pour finir, que se passe-t-il du côté de la taxe annuelle sur les bureaux ?

Raphaël SABOURIN : Toutes conditions remplies, une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement est due pour les locaux situés dans le ressort de la région Ile-de-France, à savoir Paris et les départements de l’Essonne, des Hauts-de-Seine, de Seine-et-Marne, de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, du Val d’Oise et des Yvelines.

De nombreux locaux échappent toutefois à la taxation. Tel est le cas, par exemple, des locaux situés dans une zone franche urbaine-territoire entrepreneur (ZFU-TE), des locaux spécialement aménagés pour l’archivage administratif et pour l’exercice d’activités de recherche ou à caractère sanitaire, social, éducatif ou culturel, etc.

À compter des impositions dues au titre de l’année 2023, les emplacements attenant à un local commercial et aménagés pour l’exercice d’activités sportives s’ajoutent à cette liste d’exonérations.

En parallèle, et toujours à compter des impositions établies au titre de l’année 2023, une nouvelle taxe est mise en place sur le même modèle que la taxe annuelle applicable en Île-de-France.

Cette nouvelle taxe est perçue dans les limites territoriales des départements des Bouches-du-Rhône, du Var et des Alpes-Maritimes.

Elle est calculée sur la base des tarifs au m² suivants, applicables sur le périmètre de l’ensemble des communes situées dans les Bouches-du-Rhône, le Var et les Alpes-Maritimes :

• 0,94 € pour les locaux à usage de bureaux ;
• 0,39 € pour les locaux commerciaux ;
• 0,20 € pour les locaux de stockage ;
• 0,13 € pour les surfaces de stationnement.

Ces tarifs seront actualisés au 1^er janvier de chaque année en fonction de la prévision de l’indice des prix à la consommation, hors tabac.

Les redevables sont tenus de déposer une déclaration accompagnée du paiement de la taxe, spontanément, avant le 1^er mars de chaque année, auprès du comptable public compétent du lieu de situation des locaux imposables. Exceptionnellement, pour les impositions dues au titre de 2023, la déclaration et le paiement de la taxe devront être effectués avant le 1^er juillet 2023.

Les informations indiquées dans cet article sont valables à la date de diffusion de celui-ci.

Raphaël Sabourin
Juriste
raphael.sabourin@oratio-avocats.com