Azoline MOREAU
Avocat senior
Cette directive a pour objectif de renforcer et d’harmoniser l’arsenal pénal en matière d’atteintes à l’environnement par la redéfinition et l’introduction de nouvelles infractions, le durcissement des sanctions encourues par les auteurs de ces infractions et plus généralement, par l’amélioration de l’efficacité des enquêtes, des poursuites et des condamnations.
Elle traduit une politique européenne ambitieuse partant du constat que la précédente directive, adoptée en 20081, avait eu peu d’effet sur le territoire de l’UE. La Commission a en effet constaté, lors de l’évaluation de cette directive, que le nombre d’affaires traitant de crimes environnementaux ayant donné lieu à une enquête et à une condamnation restait très faible dix ans après son adoption.
Plus largement, ce texte s’inscrit dans un contexte international largement relayé par les instances de l’UE : celui d’une hausse constante de la criminalité environnementale ; laquelle représente la 4e activité criminelle mondiale après le trafic de stupéfiants, la traite d’êtres humains et la contrefaçon.
La directive propose huit nouveaux comportements qui devront, dès transposition du texte dans la législation des États membres, être considérés comme une infraction pénale dès lors qu’ils sont illicites et commis intentionnellement ou lorsqu’ils ont été commis par négligence au moins grave.
Parmi ces nouvelles infractions figurent la pollution causée par les navires, les infractions graves liées au traitement des gaz à effet de serre fluorés, l’importation d’espèces invasives, le commerce illicite du bois ou encore l’épuisement illégal des ressources en eau.
Elle clarifie également les définitions existantes, en apportant notamment des précisions sur les éléments à prendre en compte lors de l’appréciation du caractère substantiel du dommage, du risque de dégradation de l’environnement et du caractère non négligeable, essentiel à la qualification des infractions relatives aux transferts de déchets, au commerce illicite du bois ou au trafic d’espèces protégées.
Les définitions plus précises de ce qui constitue un crime environnemental et l’ajout de nouvelles catégories doivent permettre d’augmenter la probabilité que ces comportements soient poursuivis puis condamnés.
Ces modifications auront peu d’impact en droit français, dans la mesure où la loi du 22 août 2021, dite « Climat et résilience »2, a d’ores et déjà dopé le dispositif pénal en matière environnementale par la création, entre autres, de nouveaux délits de pollution des eaux et de l’air par violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité, de non-respect des prescriptions en matière de gestion des déchets ou encore d’entrave aux investigations.
La directive reconnaît, en son article 3, bien que le terme ne soit pas expressément utilisé, l’infraction d’écocide au niveau de l’Union européenne. Contrairement à ce que prévoyait la directive de 20083, les termes employés pour définir l’incrimination sont volontairement généraux afin de pouvoir englober et réprimer un maximum d’agissements.
L ‘écocide est une infraction aggravée, puisque les agissements réprimés doivent être commis de manière volontaire et que leurs effets sur l’environnement sont graves et durables. Pour ces raisons, les peines principales encourues sont plus sévères.
Là encore, la France n’a pas attendu la présente directive pour incriminer l’écocide, puisque la loi « Climat et résilience » avait d’ores et déjà procédé à cette incrimination.
Les dispositions des articles L. 231-1 et suivants du code de l’environnement prévoient une infraction suffisamment large permettant d’englober la notion d’écocide au sens de la directive : il s’agit du fait d’émettre dans l’air, de jeter, de déverser ou de laisser s’écouler dans les eaux superficielles ou souterraines ou dans les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou plusieurs substances dont l’action ou les réactions entraînent des effets nuisibles, graves et durables sur la santé, la flore, la faune ou des modifications graves du régime normal d’alimentation en eau.
Cependant, il est à noter que le terme d’écocide est employé par les dispositions de l’article L. 231-3 du code de l’environnement uniquement lorsque les faits sont commis de manière intentionnelle. Cette différence dans la dénomination de l’infraction ne devrait pas avoir d’impact sur le fond.
Les États membres devront prendre des mesures pour garantir que les sanctions prises à l’encontre des personnes physiques soient passibles d’une peine d’emprisonnement maximale d’au moins 3 ans et jusqu’à 10 ans pour certaines infractions causant la mort d’une personne.
Pour les personnes morales, la directive encourage également les États à prendre des mesures, pénales ou non, effectives et plus dissuasives.
Outre l’obligation de restaurer l’environnement endommagé, pourront également être prononcées à l’encontre des personnes morales auteures d’infractions pénales relevant de la directive des peines d’amendes dont le montant maximal ne pourra être inférieur à 5 % de leur chiffre d’affaires mondial ou à 40 millions d’euros pour les infractions les plus graves.
En droit français, depuis l’entrée en vigueur de la loi Climat et résilience, les atteintes les plus graves commises intentionnellement à l’environnement et notamment l’écocide sont passibles d’une amende de 4,5 millions d’euros pour les personnes physiques et de 22,5 millions d’euros pour les personnes morales, voire une amende allant jusqu’à dix fois le bénéfice obtenu par l’auteur du dommage commis à l’environnement.
La directive aura donc pour effet d’augmenter les sanctions actuellement proposées en droit pénal français. Par ailleurs, il est également proposé un panel de sanctions complémentaires, comme l’obligation de restaurer l’environnement dans un délai donné, l’exclusion de l’accès aux financements publics ou encore le retrait des autorisations et des permis ayant abouti à l’infraction pénale concernée.
Les articles 8 et 9 de la directive présentent également une liste de circonstances aggravantes ou, à l’inverse, atténuantes, qui devront être retenues au moins en partie par les États membres.
L’article 13 de la directive impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour que des outils d’enquête efficaces et proportionnés soient mis à disposition des enquêteurs.
Selon les dispositions des articles 17 à 18, les États membres devront également veiller à ce que tous les maillons de la chaîne répressive disposent de ressources suffisantes pour mener à bien leur mission et plus précisément d’un personnel qualifié en nombre suffisant, de ressources financières, techniques et technologiques suffisantes avec l’obligation d’évaluer la nécessité de spécialiser ou non ces autorités dans le domaine du droit pénal environnemental.
Le principe d’une formation spécialisée et régulière des juges, des procureurs ou des personnels de justice est posé.
Poursuivant le même objectif général d’amélioration de l’efficacité des enquêtes, les États membres devront s’assurer que les lanceurs d’alerte aient accès à des mesures de soutien et d’assistance dans le cadre des procédures pénales.
Il est ainsi rappelé que la priorité donnée en matière de lutte contre les atteintes à l’environnement doit se traduire par la mise à disposition de ressources humaines et matérielles suffisantes et probablement plus importantes que celles actuellement en place dans les États membres de l’UE.
Il s’agit d’ailleurs de l’une des recommandations émises par le groupe de travail relatif au droit pénal de l’environnement, auprès de la Cour de cassation, dans son rapport du 7 décembre 2022.
La directive ajoute que la lutte contre les infractions pénales doit s’inscrire dans une « stratégie nationale » qui devra être établie et publiée au plus tard dans un délai de trois ans. Cette stratégie devra notamment intégrer la manière dont la spécialisation des professionnels des services répressifs sera soutenue et une estimation des ressources allouées pour lutter contre la criminalité environnementale.
Les États membres de l’UE disposent d’un délai de deux ans pour transposer les dispositions de cette directive dans leur droit national.
Concrètement, la directive devrait impacter les niveaux de certaines sanctions en droit français. Elle présente surtout l’avantage de remettre les atteintes à l’environnement au centre de l’intérêt public. Une attention particulière devrait ainsi être portée au traitement de ces infractions et à l’efficacité de la chaîne répressive française. Il serait également souhaitable que la transposition à venir aboutisse à une clarification des infractions en matière environnementale dont les dispositions sont actuellement éparpillées dans différents codes.
1 Dir. 2008/99/CE, 19 nov. 2008 : JOUE L 328, 6 déc., relative à la protection de l’environnement par le droit pénal
2 L. n° 2021-1104, 22 août 2021 : JO 24 août
3 Dir. 2008/99/CE, op. cit.
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