Guillaume CLOUZARD
Associé
Guillaume CLOUZARD : L’insuffisance d’actif est l’une des deux issues possibles de la procédure de liquidation judiciaire. Pour rappel, la liquidation judiciaire est la procédure la plus grave de l’arsenal des procédures collectives, puisqu’elle intervient lorsque l’entreprise est en cessation de paiement et qu’un redressement est manifestement impossible. La Loi lui a donné un but clair : mettre fin à l’activité de l’entreprise ou réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et biens.
La liquidation sera ensuite clôturée par un de ces deux évènements : soit l’extinction du passif, c’est-à-dire qu’il n’existe plus de dette à rembourser, soit l’insuffisance d’actif, c’est-à-dire qu’il reste des dettes à rembourser, mais que l’actif est insuffisant pour toutes les éteindre. En pratique, c’est malheureusement le second scénario qui est le plus fréquemment rencontré.
Guillaume CLOUZARD : L’hypothèse la plus simple est celle où l’entreprise n’a plus d’actif à réaliser. En principe, tant qu’il y a un actif pouvant désintéresser, même partiellement, les créanciers, la liquidation judiciaire ne peut pas être clôturée. Mais il peut arriver que le tribunal prononce la clôture de la procédure lorsque sa poursuite est disproportionnée par rapport aux difficultés de réalisation des actifs résiduels. Cela peut être le cas, par exemple, en présence d’un bien de faible valeur, détenu en indivision par le débiteur. Comme il est fastidieux de réaliser cet actif (qui consiste, dans notre exemple, à provoquer un partage de l’indivision pour récupérer la part revenant à l’indivisaire débiteur), le tribunal est amené à faire une opération bénéfice / coût. Si l’effort est disproportionné par rapport au bénéfice à en tirer, la clôture de la liquidation sera prononcée, malgré l’existence de cet actif dans le patrimoine du débiteur.
Guillaume CLOUZARD : D’abord, cette clôture est l’acte final de la liquidation judiciaire. Le dessaisissement du débiteur dans l’exercice de ses droits relatifs à son patrimoine est levé et la mission des organes intervenant dans la procédure prend fin. Le débiteur récupère alors toute la plénitude de ses droits patrimoniaux.
Ensuite, les créanciers n’ayant pas obtenu de remboursement perdent par principe leur droit de poursuite individuel sur le débiteur. Leurs créances existent toujours, mais les titulaires sont privés de leur droit d’agir, sauf exceptions. Il s’agit ici de permettre au débiteur de tourner la page et peut-être même de reprendre une activité sur de bonnes bases, puisqu’il ne sera plus inquiété pour ces dettes.
Guillaume CLOUZARD : L’exception systématique est celle des garants et des coobligés du débiteur. Attention à ce point très important ! Si la clôture de la liquidation judiciaire permet au débiteur de ne plus craindre de poursuite de ses créanciers, la situation est différente pour les coobligés ou les garants. Cette suspension définitive du droit de poursuite est personnelle, c’est-à-dire qu’elle ne profite qu’au débiteur. Or la dette n’étant pas éteinte en elle-même, le créancier peut tout à fait se retourner contre le coobligé du débiteur ou la caution, par exemple.
Dans ce cas, le coobligé ou le garant pourra se retourner lui-même contre le débiteur pour obtenir un remboursement : ils ne sont, en effet, pas concernés par la suspension du droit de poursuite que subit le créancier.
Guillaume CLOUZARD : Non, il en existe d’autres listées par la loi.
Par exception, le créancier pourra récupérer son droit de poursuite individuel dans les cas suivants :
Au-delà de ces 3 exceptions, la règle de non-reprise des poursuites des créanciers peut tomber purement et simplement par la situation du débiteur qui ne « mérite » pas ce système de faveur. Il s’agit des cas suivants :
Guillaume CLOUZARD : L’action en comblement de passif (ou action en responsabilité pour insuffisance d’actif) vise les dirigeants, de droit ou de fait, personnes morales ou physiques, et les entrepreneurs individuels.
C’est une action menée par le liquidateur ou le Parquet (et accessoirement par les contrôleurs) contre un ou plusieurs dirigeants qu’ils estiment responsables de l’augmentation de « l’insuffisance d’actif » en raison de leurs fautes.
Comme toute action en responsabilité, il conviendra de prouver un préjudice, une faute et un lien de causalité :
Si ce triptyque est réuni, le tribunal pourra condamner le dirigeant à verser des dommages et intérêts, qui correspondront à tout ou partie de l’insuffisance d’actif. Les sommes versées dans ce cadre vont dans le patrimoine de la personne morale débitrice et sont redistribuées aux créanciers. Le dirigeant pourra être sanctionné, en plus, par une mesure de faillite personnelle.
L’action en comblement de passif se prescrit par trois ans à compter du jugement prononçant la liquidation judiciaire.
Signalons que cette action est spécifique à la liquidation judiciaire.
Guillaume CLOUZARD : Il s’agit d’une des exceptions à ce principe car c’est une sanction. Dans le cadre d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, le tribunal peut sanctionner le dirigeant d’une personne morale, le commerçant, l’agriculteur ou l’artisan coupable d’agissements malhonnêtes ou gravement imprudents. Contrairement à l’action en comblement de passif, seules les personnes physiques sont concernées.
La faillite personnelle vient sanctionner une liste de comportements établie par la Loi, pour chaque catégorie de personnes visées, comme la poursuite fautive de l’activité déficitaire de l’entreprise, la dissimulation fautive d’un actif ou l’augmentation frauduleuse d’un passif, etc.
La faillite personnelle emporte interdiction de diriger, de gérer, d’administrer ou de contrôler toute entreprise commerciale, artisanale ou agricole et toute personne morale ayant une activité économique, pour une durée de quinze ans maximum. La personne condamnée peut également être privée du droit de vote en sa qualité d’associée et être frappée d’une incapacité d’exercer une fonction élective. Enfin, et c’est ce qui nous intéresse, elle ne sera plus protégée par l’interdiction des créanciers d’exercer leur droit de poursuite individuel.
On retrouve cette idée de sanctionner le dirigeant ou l’entrepreneur fautif dans sa gestion en le privant de ce droit à l’erreur qui consiste à paralyser le droit de poursuite des créanciers.
Guillaume CLOUZARD : La banqueroute est un délit qui concerne les personnes physiques et morales. Elle sanctionne le dirigeant en redressement ou liquidation judiciaire ayant mené une gestion frauduleuse de son activité. Comme la faillite personnelle, il faut avoir commis un fait répréhensible prévu par le Code du commerce. Ainsi, le dirigeant doit avoir :
Le dirigeant coupable de banqueroute peut être condamné à :
La banqueroute est également punie par 5 ans d’emprisonnement et une amende 75 000 €, en plus de la perte de la protection résultant de la suspension du droit de poursuite des créanciers…
Les informations indiquées dans cet article sont valables à la date de diffusion de celui-ci.