Chloé JAMMET
Avocat senior
Chloé Jammet : Il s’agit de dispositifs d’incitation fiscale. Leur principe est simple : encourager les entreprises à s’installer sur un territoire donné en leur proposant, en échange, une imposition avantageuse pendant plusieurs années (exonération d’impôt sur les bénéfices, de cotisation foncière des entreprises (CFE), et / ou de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) principalement). Des aménagements en matière de charges sociales peuvent également être prévus.
Il existe une multitude de zones en France qui mettent en avant des territoires « défavorisés », qu’ils soient ruraux, urbains, métropolitains ou ultra-marins, etc. Il en ressort une mosaïque de zones, avec des dates d’échéances différentes et des avantages différents. Un manque de lisibilité certain pour l’entrepreneur qui cherche à s’installer…
Chloé Jammet : Un nouveau zonage ! La loi de finances* a créé le dispositif « France Ruralités Revitalisation » qui viendra, à partir du 1er juillet 2024, remplacer les zones de revitalisation rurale (ZRR) et des zones de revitalisation des commerces en milieu rural (ZoRCoMiR), arrivant à échéance le 31 décembre 2024. Ce nouveau dispositif est très complet puisque qu’il permettra aux entreprises de bénéficier, sous réserve du respect des nombreuses conditions requises, d’exonérations d’impôt sur les bénéfices, de CFE, de TFPB, ainsi que d’allègements de charges sociales.
Pour le reste, toutes les zones existantes ont été prolongées. Ainsi, ces dispositifs zonés continueront à s’appliquer :
Les ZRR étant absorbées par le nouveau dispositif France Ruralités Revitalisation (FRR) au 1er juillet 2024, elles sont prolongées seulement jusqu’au 30 juin 2024. Initialement, les bassins d’emplois à redynamiser (BER) devaient aussi suivre ce calendrier. La loi de finances 2024 prévoit finalement une extinction des BER à plusieurs échéances. Elles resteront donc en vigueur :
Chloé Jammet : Très peu. Il s’agit essentiellement de prolonger les listes des communes classées en zone pour suivre la prolongation des dispositifs zonés.
Pour le reste, ce sont des modifications ponctuelles et marginales qui ne bouleversent pas l’économie générale des différents dispositifs.
Chloé Jammet : Il s’agit d’un nouveau dispositif zoné permettant, le cas échéant, de bénéficier de certains avantages fiscaux. Il entrera en vigueur le 1er juillet 2024 et s’appliquera jusqu’au 31 décembre 2029, sauf intervention du législateur qui viendrait le prolonger.
Sa particularité tient à sa construction en deux niveaux, à savoir : les zones classées « France Ruralités Revitalisation » (FRR) et celles classées « France Ruralités Revitalisation plus » (FRR plus), qui bénéficient d’un dispositif renforcé au regard de leur situation.
Les personnes qui créent ou reprennent une activité industrielle, commerciale, artisanale ou professionnelle pourront bénéficier d’exonérations en matière d’impôt sur les bénéfices, de CFE, de TFPB et d’avantages sociaux, toutes conditions par ailleurs remplies.
Chloé Jammet : Pour répondre à cette question, il faut distinguer les deux niveaux du dispositif.
Concernant le niveau « socle », dont les conditions sont codifiées à l’article 44 quindecies A, II du Code général des impôts, il est prévu qu’une commune pourra bénéficier de ce dispositif si elle correspond à l’une des cinq hypothèses de zonage prévues par la loi.
Sans entrer dans les détails, il s’agit essentiellement des communes avec une population de moins de 30 000 habitants, une densité de population inférieure ou égale à la densité médiane de territoires de comparaison et avec un revenu disponible médian par unité de consommation inférieur ou égal à la médiane des revenus médians pour ce type de territoire.
Sont principalement concernées des communes métropolitaines, à l’exception des communes de Guyane et de La Réunion comprises dans la zone spéciale d’action rurale qui font partie d’office du dispositif.
Ensuite, concernant le niveau FRR plus, c’est-à-dire le niveau renforcé, il s’adresse aux communes éligibles au zonage de base et membres d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre confronté sur une période d’au moins 10 ans à des « difficultés particulières », qui seront appréciées selon un indice synthétique qu’il nous reste à découvrir. Ces communes seront classées par ordre décroissant en fonction de cet indice et le premier quart sera classé en FRR plus par arrêté, pour 6 ans minimum.
Chloé Jammet : La différence se fait sur les critères d’éligibilité des entreprises, plus larges dans les zones FRR « plus ». Dans les deux types de zonages, sont éligibles les créations ou les reprises d’activités commerciales, artisanales, industrielles ou professionnelles, y compris libérales. Pour les zones FRR, l’entreprise devra respecter les conditions suivantes :
En zones FRR plus, les critères sont un peu plus larges puisque la condition du régime réel d’imposition n’est pas requise. En cas de création d’activité, l’entreprise pourra appartenir à la catégorie des micros, petites ou moyennes entreprises. En revanche, en cas de reprise d’activité, l’entreprise devra employer moins de 11 salariés.
En ce qui concerne les avantages fiscaux attachés à ces zones en revanche, il n’y a pas de différence entre les deux zonages.
Chloé Jammet : Notons tout de suite que les exonérations proposées concernent aussi bien les entreprises relevant de l’impôt sur le revenu que celles soumises à l’impôt sur les sociétés.
Ce dispositif s’étend sur 8 ans. Les cinq premières années, les entreprises bénéficieront d’une exonération d’impôt totale. Les trois années suivantes verront se mettre en place une exonération partielle et dégressive. Au titre de la 6e année, les entreprises seront imposées sur un quart de leurs bénéfices, l’année suivante sur la moitié et enfin sur les trois quarts la 8e année.
Chloé Jammet : Ici, l’exonération sera subordonnée à une délibération des communes ou des EPCI à fiscalité propre concernés. Dans ce cas, seront exonérés de CFE les établissements créés par une entreprise bénéficiant de l’exonération d’impôt sur les bénéfices en zones FRR ou FRR plus.
L’exonération de CFE est élargie aux extensions d’établissements réalisées uniquement en zones FRR plus.
Cet avantage fiscal suit le même schéma que celui applicable en matière d’impôt sur les bénéfices : une exonération totale pendant 5 ans, puis partielle pendant 3 ans. L’exonération totale débute à compter de l’année qui suit la création de l’établissement ou de la 2e année qui suit celle au cours de laquelle l’extension est intervenue. Une fois les cinq premières années écoulées, un abattement partiel et décroissant est institué. La 1re année, il est égal à 75 % de la base nette imposable, la 2e année à 50 % et la 3e année à 25 %.
Chloé Jammet : De la même manière que pour la CFE, l’exonération en matière de taxe foncière dépendra d’une délibération prise par les communes ou les EPCI à fiscalité propre. Elle concerne uniquement les immeubles affectés à l’activité éligible à l’exonération de CFE, et suit les mêmes modalités : exonération totale pendant 5, puis partielle et dégressive pendant 3 ans.
D’ailleurs, le bénéfice de ces 2 avantages fiscaux suppose que l’entreprise formalise une demande en ce sens auprès du service des impôts compétent. J’attire l’attention sur les délais à respecter : pour la CFE, la demande devra être déposée, en principe, le 2e jour ouvré suivant le 1er mai ou avant le 1er janvier, le cas échéant. Pour la taxe foncière, la demande devra être déposée avant le 1er janvier de l’année au titre de laquelle l’exonération prend effet.
Chloé Jammet : La loi de finances pour 2024 transpose aux zones FRR l’exonération dégressive de cotisations patronales qui existe pour les salariés embauchés en zones de revitalisation rurale. Cette transposition est faite sans modification des conditions de fond du dispositif.
Les conditions d’octroi sont identiques, de même que les montants d’exonération. Ainsi, l’exonération est totale pour les rémunérations inférieures ou égales à 1,5 fois le Smic et dégressive pour les rémunérations comprises entre 1,5 et 2,4 fois le Smic.
* Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 (article 73)