Depuis l’adoption de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, plusieurs aménagements ont été créés, au fur et à mesure du temps, pour apporter quelques tempéraments au principe de liberté et que celui-ci ne devienne pas abusif.
Plusieurs textes sont venus ainsi poser des limites plutôt évidentes à la liberté d’expression et de la presse afin notamment de proscrire des propos discriminatoires ou négationnistes.
Mais d’autres limites existent…
Plusieurs textes sont venus également poser des limites à la liberté d’expression et de la presse pour que soient préservés des intérêts particuliers tels que l’honneur, la vie privée ou professionnelle d’autrui. Ainsi peuvent constituer des délits, le simple fait de tenir des propos discriminatoires ou diffamant.
Et pour cause, les conséquences de propos mensongers peuvent être d’importance.
En 2016, une agence de presse, spécialisée dans les informations liées aux marchés financiers, publiait sur son réseau une brève concernant des irrégularités comptables identifiées dans les résultats d’un groupe français.
Moins de 10 minutes après cette publication, l’information qui s’avérait être fausse, a été retirée. Néanmoins, cela n’a pas été suffisant de sorte que le cours boursier du groupe en question a subi une baisse fulgurante de 18,28 %.
Face à cette situation, la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF) compétente pour prononcer des sanctions pécuniaires et/ou disciplinaires et assurer le bon fonctionnement des marchés financiers, a décidé d’infliger une amende à l’agence de presse pour avoir diffusé des informations qu’elle aurait dû savoir fausses ou trompeuses et susceptibles de fixer le cours du titre du groupe à un niveau anormal ou artificiel.
Toutefois, l’agence de presse a contesté cette sanction, invoquant les dispositions liées à la liberté de la presse. Elle arguait notamment qu’elle n’avait eu aucune intention d’induire les marchés financiers en erreur ni même une quelconque volonté de tirer profit de cette situation.
Or, pour la chambre commerciale de la Cour de Cassation, l’absence de ces éléments ne suffit pas à l’exonérer entièrement de toute responsabilité civile, notamment compte tenu du préjudice subi par le groupe.
Selon la Cour, les motifs invoqués par l’agence de presse peuvent effectivement aboutir à une dispense de sanction au titre de la liberté de la presse, mais uniquement dans l’éventualité où la publication litigieuse a été faite dans le respect des règles de la profession de journaliste.
En l’occurrence, la cour a relevé que tel n’avait pas été le cas.
L’agence de presse ayant objectivement manqué de prudence et de réserve en diffusant cette information à peine plus d’une minute après en avoir pris connaissance, sans avoir opéré de vérification.
C’est donc à bon droit que l’AMF a infligé une sanction financière à l’agence de presse laquelle ne pouvait se prévaloir du droit fondamental de liberté de la presse !
Sources :
Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 14 février 2024, no 22-10472
Communiqué de la Cour de cassation du 14 février 2024 : « Liberté de la presse et protection des marchés financiers »