Déchéance matrimoniale : une protection pour la victime, une sanction pour l’agresseur
La loi du 31 mai 2024 vient corriger un paradoxe du droit positif : jusqu’ici, une personne ayant tué ou tenté de tuer son époux ne perdait pas pour autant le bénéfice des avantages matrimoniaux issus de son contrat de mariage.
L’exception d’indignité (applicable en matière successorale) ne lui était pas opposable.
Pour y remédier, le législateur a mis en place un dispositif de déchéance matrimoniale à l’encontre de l’époux agresseur condamné. Ainsi, les nouveaux articles 1399-1 et suivants du Code civil détaillent deux types de déchéances qui l’empêchent de bénéficier des clauses de la convention matrimoniale lors de sa liquidation.
La première déchéance est dite de plein droit. L’article 1399-1 dispose qu’elle frappe l’époux condamné comme auteur ou complice pour avoir volontairement :
- donné ou tenté de donner la mort à son époux ;
- commis des violences ayant entraîné la mort de son époux sans intention de la donner.
Le législateur a, en outre, prévu que cette déchéance serait applicable quand bien même, en raison du décès de l’époux agresseur, l’action publique n’aurait pas pu être exercée ou se serait éteinte.
La seconde déchéance, prévue à l’article 1399-2, est facultative et concerne le cas de l’époux condamné :
- comme auteur ou complice de tortures, d’actes de barbarie, de violences volontaires, de viol ou d’agression sexuelle envers son époux ;
- pour témoignage mensonger porté contre son époux dans une procédure criminelle ;
- pour s’être volontairement abstenu d’empêcher un crime ou un délit contre l’intégrité corporelle de son époux d’où il est résulté la mort, alors qu’il pouvait le faire sans risque pour lui ou pour les tiers ;
- pour dénonciation calomnieuse contre son époux lorsque, pour les faits dénoncés, une peine criminelle était encourue.
Cette déchéance doit être prononcée par le Tribunal judiciaire, à la requête d’un héritier, de l’époux de la personne condamnée ou du Ministère public.
La demande doit être formée dans un délai de :
- 6 mois à compter de la dissolution du régime matrimonial ou du décès de la victime si la décision de condamnation ou de déclaration de culpabilité lui est antérieure ;
- 6 mois à compter de cette décision si elle lui est postérieure.
L’article 1399-4, commun aux deux types de déchéances, dispose que l’époux condamné devra rendre tous les fruits et revenus résultant de l’application des clauses avantageuses dont il a profité depuis la dissolution du régime matrimonial. De plus, lorsqu’une clause de la convention matrimoniale prévoit l’apport à la communauté de biens propres de la victime, la communauté lui devra une récompense.
Le législateur a prévu un champ d’application large à ce nouveau dispositif puisqu’il s’applique même aux contrats de mariage et aménagements signés avant l’entrée en vigueur de la loi.
Fraude fiscale : la fin de la solidarité ?
Le législateur a également prévu une nouvelle procédure de recours gracieux ouverte aux victimes d’ex-conjoints ou ex-partenaires ayant adopté un comportement frauduleux à l’égard de l’administration fiscale et auxquelles cette dernière réclame, en vertu du principe de solidarité fiscale entre partenaires ou époux, le paiement des dettes fiscales ainsi contractées.
Depuis le 2 juin 2024, lesdites victimes peuvent, sous certaines conditions de forme et de fond, requérir une remise gracieuse de solidarité fiscale.
Cette remise, à la discrétion de l’administration, n’est ouverte qu’aux époux ou partenaires effectivement divorcés ou dont le PACS a été rompu.
Si elle est accueillie favorablement, cette procédure permet d’être déclaré par l’administration fiscale tiers à la dette, et ainsi d’échapper à la solidarité fiscale.
Sources :